« Le monde est un livre, et ceux qui ne voyagent pas n’en lisent qu’une page », affirmait Saint-Augustin. Si l’on se fie à cette jolie maxime du philosophe et théologien, Irina Godai peut considérer qu’elle a bel et bien écrit l’un des plus beaux chapitres de sa vie en réalisant un périple incroyable, où les rencontres et les épreuves l’ont amené à grandir.
En 6 mois, la jeune femme a parcouru aux côtés de son cheval, Momo, près de 2 500 km à pied pour relier Étampes à Finisterre (commune côtière de La province de La Corogne) en passant par Saint-Jacques-de-Compostelle.
Un récit qui trouve sa source au début de l‘année 2018, lorsque la jeune femme d’origine autrichienne pose ses valises à Étampes. Irina Godai souhaite parfaire sa formation de comédienne au sein de l’école de Théâtre Philippe Gaulier. Une période à la fois très enrichissante et étrange durant laquelle les élèves venus du monde entier perfectionnent leur art en plein confinement. « C’était assez fou. Une vie passionnante en huis-clos et en collectivité mais qui a aussi suscité en moi un besoin d’évasion et d’introspection. » Le projet d’un pèlerinage commence alors à germer. Idée d’autant plus pertinente au départ de la Cité royale, point d’étape du Chemin de Compostelle.
« J’ai travaillé pour mettre un peu d’argent de côté. Dans le même temps, la ferme où se trouvait mon cheval fermait ses portes. J’ai pris cela comme un signe : nous partirons tous les 2, côte à côte, pour ce grand voyage ! » Ils ne se doutent pas encore à quel point ce dernier sera semé d’embûches.
Irina et Momo entament ainsi leur expédition le 14 juillet 2022, en pleine période de canicule. « En longeant La Loire, on retrouvait un peu de fraîcheur jusqu’à rejoindre le Poitou-Charentes. C’est là où j’ai effectué ma première rencontre humaine merveilleuse chez un couple d’exploitants en agriculture biologique. »
Malheureusement, ce début encourageant est brusquement interrompu. Irina doit se rendre au chevet de son grand-père dont l’état s’est brusquement aggravé. « Cet événement m’a beaucoup perturbé et a marqué un coup d’arrêt dans ma quête. Mais les rencontres humaines et la solidarité m’ont incité à reprendre la route. À mon retour, pour digérer, je me suis immergée pendant 3 semaines pour faire la traite, le fromage de chèvre et de vache, le vin. J’ai finalement atteint le Sud de la France au début de l’automne mais je me suis blessée. Une entorse au genou m’a immobilisée durant 9 jours. J’étais angoissée de repartir puisqu’il fallait traverser les Pyrénées. »
Grâce à sa persévérance, et aux antidouleurs, elle passe péniblement la chaîne de montagnes pour arriver en Espagne. Irina pense alors que le plus dur est derrière elle. C’était sans compter la météo capricieuse. « Il a plu un mois durant, quasiment sans interruption. En plus, à cette époque de l’année, les gîtes sont fermés. Avec un compagnon de voyage et son chien, nous avons souvent dormi en camping dans des circonstances très compliquées : des températures négatives, de la neige, sans beaucoup de possibilités d’hébergement avec 2 animaux. »
Qu’à cela ne tienne ! Même si l’envie d’abandonner se fait ressentir certaines journées, Irina s’accroche et poursuit sa mission.
Elle arrive finalement à Saint-Jacques-de-Compostelle le 6 janvier dernier, date durant laquelle on célèbre la grande fête de Botafumeiro (un grand encensoir avec lequel on parfume toute la cathédrale). Mais Irina rate la cérémonie à 5 minutes près à cause d’un policier trop zélé. Elle continuera sa route pour rejoindre la Côte par Muxia pour finir à Finisterre le 24 janvier, épuisée mais heureuse.
« Cela n’a pas toujours été facile, mais je retiens surtout les bons moments, les nombreuses rencontres extraordinaires et la générosité des gens. J’ai aussi vécu beaucoup d’émotions fortes avec mon cheval. Tous les 2, nous nous sommes retrouvés à l’écoute de la nature. Nous avons pris le temps d’observer ce que l’on n’a généralement plus le temps de voir : des chevreuils gambadant, des oiseaux batifolant ou des renards à l’affût. La nuit, en Galicie, on entendait même les loups. »
Le pèlerinage lui a également permis de se découvrir sous un nouveau jour. « Je me suis étonnée moi-même. Au début, on a peur de tout. Lorsqu’on est livré à soi-même, on trouve finalement des solutions à toutes les contraintes car il faut savoir faire preuve de créativité en pleine nature. Cette aventure m’a permis de découvrir des ressources insoupçonnées. Cela m’a fait grandir, mûrir. Une expérience qui me servira tout au long de ma vie.